Imaginons un concept qui touche tout ce qui constitue notre monde. Un trou noir aspirant les pratiques communes de la société, afin de les contenir en une seule notion. Un concept riche, complexe, qui divise la question des sciences sociales, en construisant depuis des siècles la notion de culture.
Issue du mot « cultura » en latin, la culture a le sens de s’éduquer, afin d’aboutir à une élévation de l’esprit. Nous lui conférons également un second sens : l’élévation des récoltes, qui représente l’action de cultiver la terre. Ce terme latin est basé sur le mot « cultus » (le sens du soin), d’où provient le mot « culte ». La notion de culture évoque le fait de prendre soin de quelque chose. Le mot « cultus », qui provient du mot « colo » et qui a évolué en « colon » et « colonie », représente l’aspect communautaire (là où je suis). Il s’agit de prendre soin de quelque chose là où je suis. Cette conception du mot « culture » existait déjà à l’époque de Cicéron, philosophe romain du Ier siècle av. J-C, qui parlait de la culture de l’esprit. Il utilisait le terme de « cultura animi » pour apporter sa vision philosophique, qui représentait l’ensemble des savoirs théoriques et pratiques, acquis par un être humain au cours de son instruction(1). L’objectif était de devenir un être civilisé et cultivé, par opposition à un être barbare.
À partir du XVIIIe siècle, le mot « culture » a été défini en France par l’Encyclopédie Diderot, comme étant l’accès de l’individu à la civilisation. La culture obtiendra sa première définition scientifique en 1871 en Angleterre. L’anthropologue Edward Tylor a apporté une nouvelle définition : « l’ensemble des habitudes acquises par l’homme en société ». Bien plus qu’un simple individu cultivé, il a inventé le sens anthropologique de la culture en y intégrant la notion de civilisation. Plus tard, en dissociant l’étude des races de celle de la culture, Franz Boas, un confrère germano-américain, a affirmé qu’aucune culture n’était plus développée qu’une autre. Pour lui, chaque culture caractérise et individualise différentes sociétés, à travers la langue, les croyances, les coutumes et l’art. Sa vision d’un monde divisé en aires culturelles ont fondé le futur de l’anthropologie américaine. Nous étudierons son concept à travers une approche psychologique, l’idée étant que, grâce aux attitudes humaines de l’individu, il est possible de s’intégrer à une société.
Les années suivantes, ce rapport à la société deviendra une question fondamentale pour les sociologues. Cela est notamment le cas de Richard Hoggarts avec la culture du pauvre(2). Il a porté un regard neuf sur les classes populaires britanniques. Nous pouvons également citer Howard Becker qui, dans son ouvrage Outsiders, défend l’idée selon laquelle les classes sociales et les communautés urbaines développent des « sous-cultures » ou « contre-cultures » au contact d’une culture dominante. Au-delà de ces différents sujets qui s’ajoutent à notre étude, nous aborderons le travail de Claude Lévi-Strauss sur l’anthropologie structurale provenant du livre du même nom. Les théories sur l’évolution socio-culturelle de Julian Haynes Steward ou encore l’œuvre La distinction de Pierre Bourdieu, décrivent les « cultures de classe » comme étant des outils de différenciation, mais cette recherche n’en finirait pas. À travers ces sauts dans le temps, nous pouvons néanmoins constater que la culture est un puzzle interminable, qui tend à mettre une définition sur un concept changeant de siècle en siècle.
Aujourd’hui, la définition de la culture est cloisonnée. Le CNRTL (Centre national de ressources textuelles et lexicales) caractérise la notion de culture comme étant un « traitement du sol en vue de la production agricole. » De manière pragmatique, nous retrouvons aujourd’hui encore la conception étymologique du terme « culture », qui, d’après cette définition, est relative à des activités productives, visant à créer une exploitation. Cette image correspond parfaitement à la citation du socio-anthropologue Marcel Rioux, selon laquelle :
« l’idée de culture a toujours évoqué l’idée d’effort en vue d’obtenir quelque chose qui fait l’objet de l’attention de celui qui cultive croisse et donne des fruits. […]»(5)
Dans la seconde définition, nous parlons d’une « Fructification des dons naturels permettant à l’homme de s’élever au-dessus de sa condition initiale et d’accéder individuellement ou collectivement à un état supérieur. » Cette définition est similaire à la conception philosophique de Cicéron et à la définition scientifique d’Edward Tylor. Selon cette définition, un ensemble d’usages produisent et reproduisent des idéologies pour nous élever dans la société. Le centre national apporte la précision suivante :
« Ensemble des moyens mis en œuvre par l’homme pour augmenter ses connaissances, développer et améliorer les facultés de son esprit, notamment le jugement et le goût. » (6)
D’après le CNRTL, la culture est un ensemble d’outils créés par l’homme, pour l’homme, afin de se construire autour de croyances et de phénomènes sociaux, et de s’épanouir dans la société.
La première difficulté de ce concept réside dans la diversité des thématiques qui composent la notion de culture. Au-delà des sciences sociales, comment définir le trait commun qui s’unifie dans cette même discipline ? Ses valeurs, dans le domaine de la sociologie, de l’anthropologie, du patrimoine et de la communication, rassemblent des notions distinctes. Afin de définir la culture, nous nous attarderons sur les différentes facettes actuelles qui la composent.
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